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Nudité Stages

« JOUER NU(E) »

Descriptif :

La nudité en public a sur chacun/e de nous un fort pouvoir fantasmatique. Attrait irrépressible pour certains/es, elle est une hantise pour d’autres, quand ce n’est pas une phobie irrationnelle.
Qu’a donc de si puissant le dévoilement de nos corps aux yeux de soi-même, des autres et plus largement, dans l’inconscient collectif ?
Se mettre nu est pourtant le « costume » le plus familier que nous puissions revêtir. C’est qu’il y a derrière cet acte à l’apparente simplicité naturelle, un pouvoir caché. Celui d’affirmer une liberté désinvolte face à nos lois sociales. Se montrer nu est évidemment toujours transgressif, mais jouer dans cet appareil l’est plus encore, car ce faisant, nous disons alors bien plus que nous ne montrons. Se montrer nu est en soi une prise de parole.
La force indéniablement contenue dans cet acte est source d’immenses bénéfices pour le développement de soi et de joie intense pour l’esprit. Le but de ce stage est d’appréhender la nudité comme un outil scénique performant.

David Noir _ Identité _ Stage_Scène Vivante

La nudité favorise la vérité profonde et la sincérité, aussi bien que l’amusement léger. Elle est le miroir de ce que nous sommes.
Existe-t-il une différence de genre au-delà de la physionomie et des conventions sociales ? Peut-on vivre nu dans sa tête, sous la peau ?
Comment conserver la vigueur de ce qui a été trouvé là, au sein de ses rapports quotidien ? En quoi la nudité psychique donne confiance au corps rhabillé ?

Public concerné :

Tout interprète désirant efficacement se sentir libre en scène et plus largement, toute personne inquiète, simplement intriguée ou d’ores et déjà fascinée par cet incomparable média.

Télécharger le programme du stage

David Noir - Stage "Jouer nu/e"

Les innocents - David Noir - Cie La vie est courte - 2003
Les innocents – David Noir – Cie La vie est courte – 2003

6 réponses sur « « JOUER NU(E) » »

Nudité(s)

Dimanche 24 Novembre, fin de matinée. Je suis sur le plateau de notre petite salle de travail, nu, et mes partenaires le sont également. Depuis probablement plus d’une heure, nous sommes engagés dans un grand travail d’improvisation, enveloppés par la musique et les images projetées sur le fond de la salle et sur nos corps. De nous s’échappent parfois des sons, des mots, des phrases et, planant au-dessus de nous, la voix de David, posée, tranquille, qui oriente parfois nos jeux. Frôlement des corps, des sexes, corps de garçons, corps de fille, dans l’exploration, à la recherche de ce qu’est, de ce que signifie le nu au théâtre.

La nudité sur scène m’a toujours intéressé. Lorsque qu’un comédien est nu sur une scène, c’est bien plus que son unique nudité physique qu’il offre. Il n’y a plus rien pour faire obstacle à l’acte théâtral, entre son corps, vecteur essentiel, pour ne pas dire unique, de l’acte, et les spectateurs, récepteurs de cet acte. La première fois que j’ai eu l’occasion de vivre la nudité sur une scène, j’avais vingt-cinq ans. Bien que ma relation à mon corps ou à celui des autres ne m’a jamais posé de complications particulières, une première fois reste une première fois. Je savais depuis le début des répétitions que je devrais être nu pendant une partie du spectacle et ce moment était ressenti par toute l’équipe comme un moment peut-être un peu plus difficile que les autres, au point que j’avais moi-même fini par en être convaincu. Et ce moment des répétitions est finalement arrivé, presque sans que personne ne s’en aperçoive. Je me souviens que nous avons tous vécu cette répétition avec émotion, le sentiment d’offrir à mes partenaires quelque chose que je n’avais encore jamais offert au théâtre. Le passage, ensuite, à la représentation ne fut rien d’autre que la continuité des répétitions. Depuis ce moment, j’ai vécu, lors d’autres spectacles, cette nudité théâtrale, et lors d’autres spectacles que j’ai mis en scène, j’ai aussi souhaité offrir à des comédiens de vivre cela sur un plateau.

« La seule différence entre le théâtre et la vie, c’est qu’au théâtre, tout est toujours vrai ». Cette phrase de Peter Brook m’a toujours guidé dans mon parcours de comédien et de metteur en scène. Comme si la (vraie) vie n’était faite que d’une suite de faux-semblants et de paraîtres, chacun jouant comme il le peut son rôle dans sa vie sociale, amoureuse ou professionnelle, et que c’est au contraire le théâtre qui ne permettrait aucun arrangement avec la vérité. Cette phrase prend pour moi tout son sens dans la nudité. Je sais que j’aime jouer nu. C’est dans cette nudité que je me sens totalement libre, que je sais qu’il n’y a pour moi aucune possibilité de tricher, de « faire semblant ». Je ne me pose aucune question et surtout pas la question classique, prétentieuse et absurde de tout comédien, de savoir si « je joue bien ou mal », car je sais que, forcément, ce que je fais, dis et vis est exact, vrai et sincère, la question de « bien » ou de « mal » n’ayant aucun sens.

Je me méfie cependant beaucoup de la nudité au théâtre. Instrument de liberté et de sincérité, elle peut aussi être un cache-misère. Un comédien nu sur une scène de théâtre est toujours une image forte. Et cette image forte peut ainsi palier, de la même manière que les beaux décors, les jolis costumes, l’éclairage soigné, la bande-son très recherchée ou la sophistication à outrance de la direction d’acteur, aux faiblesses d’une conception de mise en scène poussive et superficielle, sans imagination ni désir.

Si la nudité au théâtre reste une image forte, cette image n’est cependant plus très originale, car très présente dans de nombreux spectacles de théâtre ou de danse. De fait, elle ressemble malheureusement de plus en plus souvent à un exercice de style, une figure obligatoire, comme en patinage artistique ou en équitation, lorsqu’on exécute une reprise libre de dressage, mais dans laquelle la liberté impose pourtant quelques figures imposées pour bien démontrer au jury son habileté et son talent. On ne trouvera rien de tout cela dans le théâtre de David. Les corps nus qu’il expose sur scène ne correspondent en aucun cas à des concepts de mode, mais sont le fondement même de son théâtre, dans son rapport à la mise en scène, à la direction d’acteur et à la simple signification de la présence d’un comédien sur une scène. Les corps nus, isolés ou mélangés, sont des jouets théâtraux au service d’une action dramatique dans laquelle on retrouve certaines constantes comme la violence, le sang, le sexe, l’enfance, la cruauté, la religion, la musique et la vidéo, mais aussi beaucoup d’amour. L’univers théâtral de David nécessite beaucoup d’engagement de la part des comédiens comme de lui-même, mais aussi beaucoup de confiance et de respect mutuels. Dans son travail, rien n’est obligatoire, mais tout est autorisé.

C’est sur ces mêmes notions d’engagement, de confiance et de respect qu’ont reposé ces deux journées de stage. À l’issue de ces deux jours denses et intenses, quelques réponses, mais peut-être encore plus de questions. Être nu sur une scène se résume évidemment pas à simplement jouer sans costume. À partir du moment où la nudité est la norme, qu’avons-nous de différent dans le jeu, dans notre rapport à nos partenaires de scène, à leurs corps, à notre corps ? La nudité n’entraîne sans doute pas forcément la sincérité dès lors qu’elle ne fragilise plus l’acteur. Autant de questions et bien d’autres encore auxquelles il est peut-être vain de tenter de répondre, si toutefois des réponses existent et si toutefois nous ne les portons pas déjà en nous.

Merci, David, pour ces deux belles journées de travail, de recherche et de bonheur au sein d’une belle équipe. Merci pour la douceur de ta démarche.

Difficile de décrire mieux que Jean-Pierre ce stage auquel j’ai également participé.
Merci David pour cette belle expérience théâtrale,c’est toujours un vrai plaisir de travailler guidée par toi.

Merci beaucoup de ce reportage fidèle et de ton ressenti, Jean-Pierre. Plus globalement, je partage totalement ton sentiment de l’expérience d’être nu en scène. C’est d’ailleurs bien plus qu’une expérience, mais bien un état de jeu très spécifique qui ouvre à mon sens, le portail monumental des idées reçues sur l’identité profonde et le genre de chacun/e. Nous vivons dans une société qui ne cesse de renvoyer la question « pourquoi faire ? » à la démarche poétique quelle qu’elle soit, dès lors qu’elle ne raconte pas Walt Disney ou Pixar. Je n’ai rien contre la 3D en soi ou le divertissement, mais les clichés « familiaux » que trimbalent souvent les histoires qui portent leur image du « rêve » n’ont d’égaux que les fastidieux cheminements des balises qu’elles imposent avec férocité à l’imaginaire. La vraie question qui se cache sous ce fameux « Pourquoi faire … » devrait honnêtement se compléter de « … autre chose que ce que la société nous demande ? » C’est bien là le point. La réponse serait « Pour se donner une chance d’exister selon ses vues et non pour suivre un modèle préétabli »
La sensation du nu et du nu qui s’exhibe hors du cadre de l’intime est naturellement porteuse de ce sens. Curieux en vérité, qu’on ne soient pas plus nombreux/ses à se poser concrètement la question : « Qu’est-ce que le monde des hommes a à cacher de si terrible derrière la civilisation qu’il propose, pour à ce point condamner et être terrifié par l’art brut de la chair vivante ? ». Que protège-t-il et à qui profite le crime de camouflage du réel ? Là, ce n’est plus une porte qui s’ouvre, mais le couvercle de la boîte de Pandore.
Merci à chacun/e d’entre vous d’avoir mis vos efforts au service de son entrebâillement.

Jean-Pierre, j’ai lu ton commentaire avec intérêt. Si je te parle ainsi c’est que j’étais présent à ce stage avec Viviane et quelques autres dont j’ai apprécié le ton. Je partage tes mots et leur sens sur la nudité. Après 20 jours de réflexion, drôle j’hésite encore entre deux commentaires :
Je suis venu par challenge, en quête d’émotions « sinon fortes, disons non conventionnelles ». La réalité des corps a égratigné mes fantasmes en laissant place à du vide. Dans le jeu j’ai interrogé le désir! Je le pensais plus présent, il m’a manqué parfois. J’ai parfois cherché ma place.
Mon second commentaire, c’est ma fierté personnelle d’avoir osé cette improvisation. Peu habitué à m’échapper des conventions sociales de par mon activité professionnelle (échue depuis peu) j’ai explosé de maturité en osant toucher la peau d’un autre, la peau d’une autre sans virer de genre, sans m’évanouir, dans le plaisir d’une bienveillance partagée.
Et si j’ajoute qu’à l’issue d’une impro, j’avais totalement oublié que j’étais nu, c’est dire qu’on avait réussi à désacraliser le sexe.
J’en profite encore pour exprimer ma profonde reconnaissance envers Viviane (qui m’a subjugué) pour sa générosité sans faille et lui dire que j’improviserais volontiers dans sa compagnie.
Un dernier compliment pour David qui sait jouer sur cette corde difficile tendue entre le nu (art) et l’exhibition (?).

Jean-Louis, pour ma part, j’étais venue à ce stage avec la curiosité de confronter ma nudité à des regards, me demandant ce que j’allais en faire théâtralement.
Probablement aussi avec l’envie d’assumer, voire d’affirmer mon corps de femme de plus de cinquante ans.
Le cap de l’effeuillage passé, j’ai trouvé cela incroyablement simple, plaisant et éprouvé une certaine puissance de jeu.
Il est vrai que je l’ai fait dans un contexte un peu particulier, puisque bien que non prévu au départ, j’ai été la seule représentante féminine du groupe. A ce titre J’ai bénéficié d’une attention particulière, bienveillante et comme tu le témoignes, Jean-Louis, un peu admirative de mes partenaires de théâtre que je remercie. Il a donc été facile pour moi de partager ce que l’on me donnait.
Mais, même si ce groupe a été formidable, je ne veux pas retenir que ce contexte. Je sais que les propositions et l’accompagnement de David auraient permis un joli travail autour de la nudité également dans un équilibre de groupe différent.
La compagnie dont je fais partie ouvre ses portes au mois de juin en invitant toute personne souhaitant connaître notre travail, à participer aux séances hebdomadaires.
Tu es le bienvenu Jean-Louis.

Pour Viviane: encore faudrait-il que je connaisse le nom de ta compagnie. SVP réponds à [email protected]
Je découvre ta réponse scandaleusement simple parce que non conformiste et authentique, même audacieuse, aux yeux de l’inconnu, et bousculant les barrières qui nous clôturent. Mais bon, c’est peut-être moi qui vois le scandale et après tout le scandale est un bon aiguillonneur d’émotion. Vive l’émotion qui réveille la nature humaine, toujours prête à révéler le meilleur de chacun d’entre nous.

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